Les grandes lignes de l'anorexie

Publié le par rosebud

Dans un magazine, j'étais tombée sur la méthode Weight Watchers qui proposait des menus pour quatre semaines. Seulement je vivais avec ma famille, et je ne pouvais suivre ces menus à la lettre, d'autant plus que je n'avais pas averti ma mère de mon envie de maigrir. Je lisais et relisais les deux doubles pages jusqu'à connaître par coeur les équivalences. Tous les jours je lisais des informations sur la diététique, les calories. Rapidement je connaissais tout sur le bout des doigts. Et je commençais à voir des calories partout.

 Je m'étais inscrite au tennis et j'y allais à vélo par tous les temps. Je me mettais à faire plus de sport et à rallonger mes trajets à pieds ou à vélo. Je maigrissais régulièrement mais sans vraiment en prendre conscience. Je me sentais toujours grosse. Je me suis imaginée que mon métabolisme devait être un peu spécial et que j'avais besoin de moins de nourriture que la moyenne et de faire plus d'exercice physique également. Donc réduction drastique des portions.

Après quelques mois de ce régime, ma mère est venue un soir après les cours pour aller chercher des vêtements. J'avais perdu deux tailles. J'en étais ravie au début: je réussissais à maigrir. Ma mère et moi en avons parlé dans la voiture sur le retour. Je lui ai dit que je n'arrivais plus à manger sans me poser de questions. Ma mère a commencé à avoir peur ce jour-là. J'avais déjà l'impression que la situation m'échappait.

 Au bout d'un certain temps, alors que j'avais atteint environ 48 kilos, je savais que si je maigrissais encore j'allais être vraiment maigre. Je n'avais pas vraiment l'envie d'être squelettique, mais j'avais tellement peur de grossir que je trouvais préférable de maigrir encore, "pour avoir de la marge". J'avais lu qu'après une période de régime restrictif, l'organisme avait tendance à stocker les graisses si la personne reprenait une alimentation normale, et ce fut ma plus grande peur.

 La nourriture m'effrayait désormais et cela faisait un moment que je n'avais plus un comportement spontané avec la nourriture. Je ne me basais plus sur ma faim car j'avais su la maîtriser, ni sur le goût des aliments. Je me nourrissais selon un programme bien établi. Toute entorse aurait été insupportable. Je vivais avec l'obsession de la bouffe. J'y pensais sans arrêt: en cours, lors de conversations, le soir avant de m'endormir, quand je me baladais...J'évitais les repas, je trouvais des excuses pour ne pas manger. Les repas de famille étaient devenus conflictuels.

 Je savais que je n'étais pas grosse, tous les jours j'avais droit à des commentaires sur ma maigreur même par des inconnus, et les gens commençaient à me regarder avec pitié. Mais c'était grisant de voir la balance m'indiquer chaque kilo perdu. Une fois sortie des cours je marchais pendant une heure et demie en ville tous les soirs. Je ne pouvais imaginer une seule journée sans marcher, je pensais que j'allais devenir énorme si je manquais à mon devoir. Le soir je récapitulais les calories ingérées la journée et m'en voulais d'avoir mangé une tomate de trop.

Je suis descendue à 35 kilos . J'étais déprimée. Je voyais la vie encore plus en noir qu'avant. J'étais fatiguée de tous ces rituels et ces obsessions. Je n'en dormais plus. Je m'isolais, je devenais irritable. Mais mes résultats scolaires grimpaient en flèche. Je fourrais ma tête dans mes cahiers et mes livres pour éviter de penser à la bouffe, et aussi parce que je resentais le besoin d'apprendre et d'élever mon esprit. J'intellectualisais tous mes problèmes et je voyais l'anorexie comme une protestation contre le monde entier et la satisfaction des gens. J'aimais ma maigreur, j'aimais qu'on me regarde l'air inquiet. Je me sentais de la valeur, une particularité. Je me sentais forte.

Publié dans mon parcours

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N
Merci pour ce blog, ça va ouvrir les yeux à beaucoup de jeunes (j'espère!), merci de nous confier ton histoire.
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V
merci pour ton partage... cela me fait réfléchir!Tout de bon à toi,valeria
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L
Je ne vais pas polluer ton blog en racontant ma vie.Mais disons que même si tu racontes plus une suite d'événements, je pense savoir quels sont les états par lesquels tu as pu passer, entre autre...
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Z
Pfffff ! C'est de la foutaise tout ça, KMFDM c'est mieux.
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L
Merci d'être passée sur mon blog, j'ai mis le tiens dans mes favoris, j'ai commencé à le lire ton parcours n'est pas sans me rapeller le mien. <br /> Biz et bon courage
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